Note5
L'identité du personnage coranique de Hāmān :
Un certain personnage du nom énigmatique de هامان [hāmān] est cité dans le
Coran, parallèlement à Pharaon (28: 6,8,38), (29: 38,39), (40: 24,36-7). Il s'agit d'un personnage que la Bible ignore dans l'entourage de Moïse. On lit
: "Pharaon, Hāmān et leurs troupes".
Deux passages montrent Pharaon s'adressant à Hāmān :
(28:38) : "وَقَالَ فِرْعَوْنُ يَٓا اَيُّهَا الْمَلَاُ مَا عَلِمْتُ لَكُمْ مِنْ
اِلٰهٍ غَيْر۪يۚ فَاَوْقِدْ ل۪ي يَا هَامَانُ عَلَى الطّ۪ينِ فَاجْعَلْ ل۪ي
صَرْحًا لَعَلّ۪ٓي اَطَّلِعُ اِلٰٓى اِلٰهِ مُوسٰىۙ وَاِنّ۪ي لَاَظُنُّهُ
مِنَ الْكَاذِب۪ينَ"
"Pharaon dit : 'Ô notables, je ne connais pas de divinité pour vous, autre
que moi. Ô Hâmân ! Mets le feu sur la terre, puis fais-moi une tour
peut-être alors monterai-je jusqu'au dieu de Moïse. Je pense plutôt qu'il
est du nombre des menteurs.'"
(40:36-7) : "وَقَالَ فِرْعَوْنُ يَا هَامَانُ ابْنِ ل۪ي صَرْحًا لَعَلّ۪ٓي اَبْلُغُ
الْاَسْبَابَۙ اَسْبَابَ السَّمٰوَاتِ فَاَطَّلِعَ اِلٰٓى اِلٰهِ مُوسٰى
وَاِنّ۪ي لَاَظُنُّهُ كَاذِبًاۜ وَكَذٰلِكَ زُيِّنَ لِفِرْعَوْنَ سُٓوءُ
عَمَلِه۪ وَصُدَّ عَنِ السَّب۪يلِۜ وَمَا كَيْدُ فِرْعَوْنَ اِلَّا ف۪ي
تَبَابٍ۟"
"Pharaon dit : "Ô Hāmān, bâtis-moi une tour : peut-être atteindrai-je les
voies, les voies des cieux, et apercevrai-je le dieu de Moïse; mais je
pense que celui-ci est menteur.' Ainsi la mauvaise action de Pharaon lui
parut enjolivée; et il fut détourné du droit chemin; et le stratagème de
Pharaon n'est voué qu'à la destruction."
(Cor. 28:8) : "فَالْتَقَطَهُ آلُ فِرْعَوْنَ لِيَكُونَ لَهُمْ عَدُوًّا وَحَزَنًا ۗ إِنَّ فِرْعَوْنَ وَهَامَانَ وَجُنُودَهُمَا كَانُوا خَاطِئِينَ"
"La maisonnée du Pharaon le recueillirent, pour qu'il leur soit un ennemi
et une source d'affliction ! Pharaon, Hâmân et leurs soldats étaient à commettre du tord."
Une représentation d'Amon.
Écriture du nom Amon en hiéroglyphes.
□ L'importance du personnage saute aux yeux, Il semblerait qu'il s'agisse
du dieu Amon, lequel était d'une importance centrale à partir de la XVIIIe
dynastie, et ce jusqu'à la XXe dynastie. C'étaient en effet les prêtres
d'Amon qui avaient pourchassé les israélites jusqu'en Canaan du temps
d'Ahmosis.
□ La translittération soutenue est jmn, /ɑːmən/. Peut-être un 'ha' très légèrement aspiré ? Dans (Esther, 8:1) on lit en
réalité (selon les investigations paléographiques
[note]) la prononciation du nom du dieu Elamite Omāniš [𐎡𐎶𐎴𐎡𐏁] : "הָמָן" [haman]
avec un "h" aspiré. La prononciation du nom de Amon avec un "h" aspire est donc très
vraisemblablement celle des enfants d'Israël de l'époque.
□ Dans (Cor. 66:11), c'est une épouse de Pharaon qui pareillement demande,
mais cette fois-là, à Allah de lui bâtir une demeure chez lui.
□Que Ramsès s'adresse directement à Amon ne doit pas nous étonner. Sa
mention dans le Coran présente des parallèles avec la Torah quand il évoque
les dieux des peuples étrangers (Ezechiel,6:6).
□ "Mets le feu sur la terre", Pharaon se tenait pour celui qui assure
l'abondance, les bonnes crues... C'est de l'ironie. On comprend : "Ô Amon !
Nous ne servons décidemment à rien de bon, cause une terrible sécheresse et
bâtis-moi une tour, que je monte jusqu'au dieu de Moïse...".
(Cor.43:51-3) : "Pharaon fit une proclamation à son peuple et dit : 'Ô mon peuple ! Le
royaume de Misr [l'Egypte] ne m'appartient-il pas ainsi que ces canaux
qui coulent à mes pieds ? N'observez-vous donc pas ? Ne suis-je pas meilleur que ce misérable qui sait à peine s'exprimer ?
Pourquoi ne lui a-t-on pas lancé des bracelets en or ? Pourquoi les
Puissances célestes ne l'ont-ils pas accompagné ?'"
Temple d'Amon qui accepte les prières à Karnak. Ramsès II fit achever la
salle hypostyle, afin de faire sa procession céleste virtuelle à la
rencontre des dieux célestes.
□ Ramsès II fit bâtir un temple à Amon "qui écoute les prières" à Karnak.
Dans un rituel processionnel le pharaon ou le grand prêtre longeait un
couloir traversant virtuellement les sept seuil du ciel en passant entre des
paires de colonnes. Il terminait dans la salle hypostyle, où la
représentation du dieu Amon était installée. Ainsi le rituel devait assurer
de bonnes crues... Le parallèle avec la raillerie du Pharaon cité supra
prend tout son sens. Qui plus est, pour fabriquer de fausses pierres, des
hectares de palmeraie étaient brûlés, dont les cendres servaient
d'ingrédient pour couler de fausses pierres [1]. Ramsès traverse les cieux
pour atteindre Amon, et attirer de bonnes crues. Or Moïse invoque son dieu
qui amène les plaies. Alors Pharaon raille Moïse et propose à Amon de
provoquer la sécheresse, et de lui monter une monument pour tenter d'essayer
avec le dieu de Moïse.
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[1] Joseph Davidovits,
Bâtir les pyramides sans pierres ni esclaves ? : la science défie les
égyptologues, Paris, Jean-Cyrille Godefroy, 2017, 158 p. ISBN 978-2-86553-288-9.
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