Note20


Modèle Sémiopictographique des langues sémitiques

 





Tablette présentant une écriture ougarithique

(XVeS au XIIIeS BC, Syrie)

 

 

A. Introduction

 

Ce modèle explore la symbolique des lettres arabes, mettant en lumière leurs significations primordiales et leurs interrelations sémantiques. En utilisant une approche sémiotique et linguistique, il postule que chaque lettre possède une signification intrinsèque influençant les racines des mots et les concepts qu’ils véhiculent.

 

 

B Présentation 

 

1.         Signification Pictographique des Lettres :

 

Chaque lettre est associée à une idée centrale représentée par un pictogramme, issu de racines anciennes. :

 

        •           ا (Alef) : Taureau – Idée de force et de puissance brute, d’action.

        •           ب (Ba) : Maison – Idée de localisation.

        •           ت (Ta) Signe ou marque : identification.

        •           ث (Tha) : Binette – Idée de travail,

        •           ج (Jim) : Chameau – Idée d’effort et complétude, de transport.

        •           ح (Ha) : Mur – Idée de protection, obstacle.

        •           خ (Kha) : Bâton fouisseur –  Idée de labour ou d’enfouissement.

        •           د (Dal) : Porte – Idée d’accès.

        •           ذ (Dhal) : Faucille – Idée de propriété, de rupture.

        •           ر (Ra) : Tête, personne – Idée d’identité, d’esprit ou la direction organisée.

        •           ز (Zay) : Arme – symbole de défense, de rompre ou de pouvoir.

        •           س (Sīn) : Colonne – Idée de pousser, soutenir ou de stabilité.

        •           ش (Shīn) : , Dent – Idée de couper, de séparer ou unir.

        •           ص (Sad) : Papyrus, flèche –  Idée d’écriture ou direction stable.

        •           ض (Dad) : Cible – Idée d’objectif, de superposition, de contact.

        •           ط (Ta) : Écheveau – Idée d’accumulation ou d’entremêlement.

        •           ظ (Dha) : Coffre fermé – Idée de protection ou de réserve.

        •           ع (Ayn) : Œil/Source – Idée de perception ou d’origine.

        •           غ (Ghayn) :  Jambes qui piétinent - Idée de cacher ou de dominer .

        •           ف (Fa) : Bouche – Idée de communication, ouverture, ou passage.

        •           ق (Qaf) : Chas d’aiguille – idée de fixation, de précision ou minutie.

        •           ك (Kaf) : Paume de main – Idée d’indication, possession ou prise.

        •           ل (Lam) : Bâton/Aiguillon – Idée de direction ou d’autorité.

        •           م (Mīm) : Eau – Idée de science,  vie ou nécessité .

        •           ن (Nūn) : Serpent/Poisson – Idée de mouvement ou changement pluralité.

        •           ي (Ya) : Main – Idée d’action ou de possession.

        •           و (Waw) : Crochet – Idée d’attachement de cycle ou de connexion

        •           ه (Ha) : Homme de pierre/passage – Idée de résistance, de chemin, de direction.

 

 

2. Construction des Racines

 

Les racines bilitères et trilittères jouent un rôle central dans ce théorème. Pour les racines bilitères, il existe une relation bilatérale entre les deux lettres, avec une priorité donnée à la première lettre dans l’interprétation. Pour les racines trilittères, l’ordre des lettres extérieures oriente vers la lettre centrale, la première lettre étant encore prioritaire dans le sens.

 

 

Exemples de racines trilittères, et leur décomposition :

 

- لي : [bâton -  main] direction/autorité de faire usage ; rendu par à moi, ou pour moi.

- يد : [main - porte] action sur le monde extérieur ; main.

- لو : [bâton/aiguillon - crochet] autorité liée à quelque chose, rendu par si. 

- رب : [tête - maison] Maître de la maison.

 

 

Exemple de racines trilittères et leur décomposition :

 

Racines dérivées depuis رب maître de maison, suggérant l’idée de maîtrise.

 

•           ضرب : Formé des lettres ض (cible), ر (tête, personne) et ب (maison). Cela renvoie à l’idée de maîtrise d’un espace, d’un contrôle dirigé vers un objectif précis. Ce qui donne entre autres :  drb un exemple (citer une analogie pour exemplifie), drb sur terre (voyager) , drb quelqu’un (frapper, corriger, prendre,…).

•           قرب : Composé de ق (chas d’aiguille, petite ouverture), ر (tête, personne), ب (maison), indiquant la proximité ou la liaison entre deux entités.

•           شرب : Avec ش (dent), ر (tête) et ب (maison), renvoie à l’action de boire, impliquant l’ingestion ou séparation (dent) aisée (rb) depuis un point d’eau.

 

Ces exemples démontrent que le sens des racines dérive de la combinaison et de l’ordre des lettres qui les composent.

 

 

Importance de l’ordre et l’agencement des lettres. 

 

L’ordre des lettres dans les racines trilitères en change le sens, ainsi citons ظلم et لظم, composées de respectivement [coffre - bâton - eau] et [bâton - coffre - eau]. On peut les décrypter comme suit : [cacher une chose convoitée pour en prendre le contrôle] rendu par injustice et [Autirité d’un bien convoité caché] rendu par écessité. 

 

 

Exemple de racines quadrilitères et leur décomposition :

 

L’ordre dans la composition des racines quadrilitères apparaît plus complexe que celui des racines bilitères ou trilittères, or il est possible de repérer certains schémas ou régularités en appliquant une approche structurelle. 

 

 

a. Répétition symétrique des lettres :

 

Certaines racines quadrilitères comportent une répétition évidente des lettres, comme زَلْزَلَ (z-l-z-l) ou وَسْوَسَ (w-s-w-s). Dans ces cas, on peut repérer une sorte de symétrie où deux paires de lettres se répètent, créant un effet de rythme ou de retour cyclique.

•           La répétition pourrait signaler une alternance ou une interaction continue entre deux états : rupture et stabilité pour زَلْزَلَ, ou pulsion et pulsion pour وَسْوَسَ.

•           Cette structure sert à renforcer l’idée d’une action continue, répétée ou réciproque, avec un équilibre dynamique entre des forces ou des états.

 

b. Transformation de racines trilittères :

 

Certaines racines quadrilitères semblent être le résultat de la transformation de racines trilittères ou bilittères. Par exemple :

•           طَمْأَنَ (ṭ-m-ʾ-n), qui signifie “calmer”, pourrait être une combinaison des racines طَ (accumulation) et أَمنَ (beaucoup de bien). L’idée serait alors d’ajouter un sens à une racine trilittère existante en la renforçant par une autre idée.

•           زخرف (z-kh-r-f), signifiant “orner”, peut également découler d’une association de deux racines, renforçant une idée par l’ajout d’un second concept. Ici on a une idée de frapper en exposant ce qui est caché.

 

c. Dualité ou renforcement du concept :

 

Certaines racines quadrilitères semblent créer un renforcement de l’idée initiale contenue dans les deux premières lettres par une répétition ou une modification dans les deux dernières. Prenons دَحْرَجَ (d-ḥ-r-j), qui signifie “rouler”. Les deux premières lettres pourraient signaler une action initiale de mise en mouvement (faire sortir depuis un obstacle), tandis que les deux dernières lettres accentuent le développement ou la continuation de cette action (diriger un transport), évoquant le déplacement d’un objet (lourd). De même رجع renvoie à une direction vers la source, un retour.

 

d. Lettre initiale et organisation de l’action :

 

Comme avec les racines trilittères, il apparait que la première lettre des racines quadrilitères a une importance primordiale dans l’organisation de l’action. Cette lettre initiale structure la nature de l’acte, tandis que les lettres suivantes apporteraient des nuances ou des directions spécifiques.

 

Par exemple, dans زَلْزَلَ :

•           Zal, en premier, initie l’action par une rupture ou une secousse.

•           Lam pourrait ensuite donner une orientation à cette action, stabilisant temporairement avant une nouvelle rupture (d’où la répétition).

 

e. Synthèse :

 

Dans les racines quadrilitères, on retrouve donc plusieurs schémas :

 

Symétrie ou répétition cyclique.

Transformations de racines plus courtes, combinant deux idées pour en créer une nouvelle.

Renforcement d’une idée initiale, où les deux premières lettres introduisent un concept, et les deux suivantes accentuent ou prolongent l’action.

Lettre initiale structurante, qui organise le déroulement de l’action, suivie par des modulations ou des effets ajoutés par les lettres suivantes.

 

 

3. Applications Linguistiques

 

La méthode d’analyse repose sur une interprétation détaillée et rigoureuse des lettres pour comprendre la sémantique des racines. Voici comment elle peut être utilisée :

 

•           Identification du sens primitif : Pour chaque racine, les lettres doivent être décomposées en leurs pictogrammes originels. Cela permet de retrouver le sens primitif des racines, même lorsque l’usage moderne a évolué.

 

•           Analyse distributionnelle : Les racines plus complexes peuvent être décomposées en racines plus petites, elles-mêmes construites sur des idées primordiales. Par exemple, ضرب se décompose autour de l’idée de رب (maître de la maison), renforçant l’idée de contrôle,maîtrise ou d’autorité sur l’objet.

 

 

4. Rapport avec les Traditions Linguistiques Anciennes

 

Ce théorème s’appuie également sur des études comparatives avec d’autres systèmes linguistiques anciens comme l’akkadien et l’égyptien. Par exemple, des sons comme r en égyptien ancien étaient liés à la tête ou l’esprit, tout comme en arabe où ر renvoie à la personne ou à la direction.

 

 

5. Dérive Sémantique et Usage Contemporain

 

La dérive sémantique des racines est un phénomène naturel au fil des siècles, où certains sens primordiaux se sont atténués ou modifiés en raison de l’évolution des idiomes et des interactions culturelles. Néanmoins, en comprenant les racines originelles, il est possible de retrouver des correspondances précises dans les usages actuels, souvent cachées derrière des sens modernes plus éloignés des sources primitives.

 

 

6. Vers une Analyse Globalisante du Coran

 

Ce théorème peut être utilisé pour éclairer l’interprétation des textes coraniques, en particulier en retrouvant les significations profondes des mots à travers leurs racines. Cela est consolidé par des versets comme celui où Adam apprend tous les noms (Cor. 2:31), suggérant que le langage primitif consistait à nommer et catégoriser tout dans l’univers. Le Coran, par sa structure, incite à une recherche approfondie des relations sémantiques entre les lettres et les mots pour comprendre ses messages divins.

 

En conclusion, ce théorème propose une approche innovante, reliant la symbolique des lettres arabes à leurs pictogrammes originels, et offrant un outil d’analyse sémantique rigoureux pour les racines. En utilisant ce système, il devient possible de comprendre de manière plus profonde le sens des racines, d’éclaircir des nuances linguistiques, et d’enrichir notre compréhension des textes sacrés.


 

7. Symétrie et Composition Textuelle

 

En s’appuyant sur les travaux de chercheurs comme Michel Cuypers, il devient nécessaire de souligner l’importance des figures de composition dans le Coran, telles que :

 

•           Parallélisme : Éléments textuels correspondants dans le même ordre (ex : ABC // A’B’C’).

•           Construction spéculaire : Éléments qui se correspondent en ordre inversé (ex : ABC / C’B’A’).

•           Construction concentrique : Élément central entre deux volets symétriques (ex : ABC/x/C’B’A’).

 

 

8.         Origines Étymologiques et Onomatopées

 

La recherche des origines étymologiques et des onomatopées révèle comment les anciens traduisaient des noms étrangers en intégrant des significations connues. Cela démontre un ajustement linguistique au fil du temps, reliant les termes étrangers aux idées fondamentales des lettres arabes.

 

 

9. Application Pratique

 

Pour appliquer ce théorème dans une étude linguistique ou religieuse :

 

•           Choisir une racine : Par exemple, examinons la racine ضرب (darb).

•           Analyse pictographique : Identifiez chaque lettre et sa signification pictographique.

 

 

            •           ض (Dhat) . Cible atteinte , idée de pointer de se focaliser.

            •           ر (Ra) : Tête, personne – autorité.

            •           ب (Ba) : Maison – endroit ou objectif.

 

 

•           Relier aux figures de composition : Identifiez les parallélismes, constructions spéculaires et concentriques dans le texte pour enrichir votre compréhension du message.

•           Synthèse : Interpréter la racine comme signifiant “prendre possession” ou “maîtriser un endroit”.

•           Examiner le contexte coranique : Recherchez des versets contenant cette racine et analysez-les à la lumière des significations pictographiques et des dérives sémantiques.

 

 

10. Remarques 

Il semble qu’avec la sédentarisation, l’apparition de l’écriture a été favorisée. Les sociétés archaïques devaient posséder un vocabulaire pauvre limitée aux besoins essentiels comme l’orientation ou la chasse, le langage en Mésopotamie a dû évoluer en synergie avec l’écriture, et être strictement codifiée. De même, il semblerait que les communautés non lettrées ont par moment suscité des dérives diachroniques, qui étaient bridées par des besoins moindres d’enrichir le vocabulaire, maintenant ainsi les racines à proximité des idées primitives. Mais le sens diachronique de certains usages fixes dans des idiomes particuliers est devenu plus ardu à identifier et reconstruire.

 

Concernant les cinq lettres non identifiées clairement (ث-خ-ذ-ض-ظ), nous avons essayé d’identifier sur base de racines une idée centrale et procède à une observation de leurs versions en cunéiforme de l’alphabet ougaritique. Sachant que ceux-ci reproduisaient des pictogrammes antérieurs. Nous avons testé ces pictogrammes à plus large échelle pour consolider leur exacritude. Nous avons pu fixer une idée pictographique pertinente à ces cinq lettres. 

 

 

11. Conclusions transitoires

 

Le théorème sémiopictographique des lettres arabes (indo-européennes[1] sémitiques) ouvre de nouvelles perspectives sur la compréhension du langage et de la symbolique. Il met en avant l’importance des racines et des significations primitives et appelle à une exploration approfondie des textes sacrés et des langues sémitiques pour en saisir les profondeurs et les implications spirituelles. Ce cadre théorique peut servir de base pour des recherches futures dans le domaine de la linguistique, de la théologie et des études sémitiques.



C. Analyse Fonctionnelle

 

I. Lettres affinante et modulantes


Les voyelles et les lettres ا (alif), و (waw), et ى (ya) jouent un rôle central dans notre théorème, en apportant un équilibre et des nuances importantes aux racines. Elles affinent le sens de chaque mot, transformant les racines de simples assemblages consonantiques en idées plus fluides et complètes. 


Les lettres modulantes : ن (nun), ت (ta), س (sin), ب (ba), م (mim), ل (lam), ر (raʾ) et ع (´ayn), complètent ce système en fournissant des fonctions structurantes qui amplifient, précisent, ou orientent les racines.

 

Voici comment ces lettres jouent leur rôle dans le théorème :

 

Les voyelles et semi-voyelles : ا، و، ى

 

Les voyelles a, i, u, et les lettres ا، و، ى ajoutent de la souplesse et des nuances, marquant souvent le temps, l’état ou l’orientation de l’action.


1.         Alif (ا) : Souvent associée à l’idée de début, de stabilité, ou de verticalité, alif peut marquer une idée de fondement ou d’origine. Placée en début de mot, elle confère une force initiale, alors qu’à l’intérieur, elle joue un rôle de support. Son étirement évoque une notion d’expansion.


2.         Waw (و) : Représente la connexion, l’association, ou la continuité. Elle ajoute une dimension de mouvement vers l’avant ou de liaison, souvent utilisée pour relier des concepts ou maintenir un flux. Elle peut aussi évoquer une dimension d’amplification ou de prolongement du sens de la racine.


3.         Ya (ى) : Avec un sens d’aboutissement ou de proximité, ya tend à focaliser le concept vers une intériorité ou une focalisation sur le sujet, aidant à concentrer l’idée. Elle suggère également une direction plus personnelle ou introspective, renforçant l’aspect final ou achevé de la racine.


 

Les lettres modulantes :

 ع ,ن، ت، س، م، ل، ر, ب

 

Ces lettres apportent des ajustements ou des caractéristiques spécifiques aux racines :


1.         Nun (ن) : Associée à l’activité et à l’intensité. Nun donne un dynamisme, souvent marquant une action participative ou réciproque. Elle active les racines, en apportant un caractère vivant et en soulignant l’interaction.


2.         Ta (ت) : Fonctionne comme un indicateur de précision ou de transformation. Elle agit comme un marqueur qui oriente la racine vers une action ou un état spécifique, ajoutant un niveau de détail ou d’accentuation. Elle module le sens en définissant un contexte particulier.


3.         Sin (س) : Projette une idée de mouvement vers l’extérieur ou d’élévation. Elle agit comme une force de projection ou d’expansion, en donnant à la racine un sens de soulèvement ou de portée, et inscrit la racine dans une forme de déploiement.


4.         Mim (م) : Introduit l’idée d’un acteur ou d’un moteur. Mim personnifie la racine, en donnant l’impression que le concept prend forme ou se manifeste concrètement. Elle ancre le mot dans une réalité tangible ou opérante.


5.         Lam (ل) : Représente l’autorité, la direction, ou le guidage. Elle oriente le concept dans une direction définie, fonctionnant comme une force de focalisation. Lam est un point de référence, une lettre qui centralise l’action en la rendant plus précise.


6.         Ra (ر) : Associe l’idée de mouvement contrôlé ou de projection précise. Elle agit comme une force d’organisation, parfois de délimitation. Elle aide à structurer la racine autour d’un axe ou d’une idée définie, comme un mouvement ordonné ou une action bien canalisée.


7. Ba (ب) : Marque l’idée de localité, de position.


8. ´Ayn (ع) Quant à elle, signale un état, une observabilité.


 

Synthèse

 

Les voyelles et les lettres modulantes ajoutent une dimension multidirectionnelle et nuancée aux racines arabes. Ce sont des éléments essentiels pour définir la texture et l’orientation des mots. Tandis que les voyelles élargissent ou intensifient les idées, les lettres modulantes ajustent, structurent, et guident les racines. Ensemble, elles renforcent le théorème en offrant un cadre systématique et générique pour comprendre l’évolution des sens et les déclinaisons possibles, tout en conservant une cohérence interne et une structure sémantique riche et profonde.



II. L’apparente redondance et les subtilités sémiotiques 

 

Les racines صل et رصف illustrent bien cette dynamique de nuances entre ص et ر. Chacune de ces lettres semble effectivement influencer subtilement mais distinctement le sens global, et leur position au sein des racines apporte des nuances spécifiques :


            1.         ص dans صل (ṣ-l) :


•           La lettre ص ici semble maintenir sa connotation de force dirigée ou de solidité. Dans la racine صل (ṣ-l), cette idée se retrouve dans les mots qui en dérivent, comme صلة (ṣilah), qui signifie “connexion” ou “lien”. Cela semble signaler une action de renforcer un lien ou de fixer une relation, comme si l’on créait un pont solide entre deux éléments.


•           La structure en ṣ-l semble ainsi capter une intention de force et de stabilité dans l’acte de connexion, d’assemblage ou même d’alignement, donnant l’idée d’une union puissante et cohésive.


2.         ر dans رصف (r-ṣ-f) :•        ر dans cette racine ajoute une idée de guidance ou de disposition ordonnée. Dans رصف (raṣafa), qui signifie “aligner” ou “ordonner”, la racine capture un acte de mise en ordre, mais de manière organisée et méthodique.


•           Ici, ر comme première lettre semble orienter l’idée de l’arrangement vers une action consciente et structurée, comme un alignement guidé ou une disposition réfléchie. La lettre ر, avec sa connotation de direction ou de commande, influence la racine pour évoquer un processus intentionnel de structuration.


Ainsi, la différence subtile entre صل et رصف pourrait être vue comme une opposition entre :

•           ص qui exprime une force et une cohésion dans la connexion ou l’alignement (صل) — une sorte d’union solide ou intrinsèque

•           ر qui oriente vers une intention ou un ordre plus explicite et organisé dans le rassemblement ou l’ordonnancement (رصف).

Cela pourrait suggérer que ص et ر offrent, dans ces exemples, une dualité entre cohésion intrinsèque et structure guidée.

 

La distinction entre ص et ر, telle qu’elle apparaît dans صل et رصف, semble aller au-delà de cas isolés et illustre une tendance plus large dans les racines arabes.

 

Voici quelques observations pour soutenir cette hypothèse :

            1.         Cas où ص exprime force intrinsèque ou un mouvement de cohésion :

•           Dans صبر (ṣ-b-r), on retrouve ص au début, orientant vers une idée de résilience ou de force intérieure. L’endurance est perçue comme un trait de solidité interne, qui est consolidé sans intervention extérieure.

•           صدق (ṣ-d-q) implique un concept de vérité ou de sincérité. Ici, ص pourrait évoquer une solidité morale, une force de caractère qui est entière et interne.


2.         Cas où ر implique une direction ou une structuration explicite :

•           Dans رشد (r-sh-d), la racine porte l’idée de guidance ou de droiture. On y voit une notion d’orientation éclairée, de suivi d’une voie bien définie.

•           رزق (r-z-q) désigne la provision ou la subsistance, suggérant une distribution ou un ordonnancement précis des moyens nécessaires.


3.         Cas de racines avec ص et ر en alternance :

•           En comparant des racines ayant des lettres similaires mais en changeant ص en ر, ou vice versa, on observe souvent des nuances de solidité vs. direction. Par exemple, صرم (ṣ-r-m, couper, sectionner solidement) contre رسم (r-s-m, dessiner, décrire avec précision) ; le premier implique une action ferme, tandis que le second suit un cadre ou un modèle défini.

•           Dans نصر (n-ṣ-r, victoire, assistance) vs نجر (n-j-r, charpenter, façonner), on remarque que ص implique ici un soutien solide, alors que ر oriente vers un acte de construction méthodique.

Ces exemples montrent que la fonction de chaque lettre dépasse l’usage ponctuel. ص et ر se prêtent souvent à des distinctions en termes de nature de force et de direction, où ص tend à signifier une force intrinsèque, et ر à représenter une action ou une organisation guidée. Cette dualité s’intègre donc largement dans le langage et pourrait indiquer un schéma de significations répétitif, en adequation avec notre théorème, sur les fonctions centrales des lettres dans la construction de sens.



III. Ponts sémantiques et perfectionnement des sens visés 

 

La progression du أ au ع et au ه pourrait suggérer une sorte de parcours sémantique, où chaque lettre ajoute une nuance spécifique autour de l’idée d’énergie, de ressource, ou d’issue. Observons-les en détail :

1.         أ (alif) : Souvent lié à l’idée d’origine, de commencement, voire de puissance brute. Il peut représenter une source initiale d’énergie, de force première ou une fondation.

2.         ع (ʿayn) : Se rapprochant de l’œil, de la source, ou de la lumière, cette lettre enrichit le concept de ressource en le reliant à la perception et à la conscience. Elle représente aussi une forme d’énergie vitale ou spirituelle, qui est plus focalisée que l’alif, comme une source particulière (d’eau, de vision, de savoir).

3.         ه (ha) : Cette lettre, souvent associée à l’idée de passage ou de fenêtre, peut représenter une issue ou un point d’ouverture vers autre chose. Elle marque une limite qui donne accès à un autre espace ou une autre dimension, en restant connectée à l’idée d’énergie qui circule ou qui s’échappe.


Ce parcours des lettres pourrait donc symboliser une évolution de l’énergie : d’un potentiel brut ou fondamental (أ) à une source ou un centre de vitalité ciblée (ع), jusqu’à une issue ou une forme de passage vers autre chose (ه).

 

Cette observation sur le rôle structurant et focalisateur des lettres, en particulier ل (lām) et ر (rāʾ), ajoute une dimension cruciale à l’analyse des schèmes. Le schème فَاعِل agit comme une ouverture et une activation d’une activité, laissant une action se déployer, tandis que فَعَلَ est plus direct et concret, donnant une détermination précise à l’action.

 

Dans cette logique, les lettres ل et ر apparaissent comme des outils de mise en relief ou de focalisation des idées au sein des racines et des mots, modulant le sens en fonction de leur position :


1.          Lām (ل) : souvent associé à des concepts d’autorité et de direction dans ton analyse, il joue un rôle de guide ou d’ancrage de l’idée. En début ou au cœur d’un mot, il peut indiquer une direction claire, une cible à atteindre, ou renforcer la cohérence d’une action ou d’un état, donnant de la stabilité à la racine.

2.         Rāʾ (ر) : semblant marquer un mouvement plus fluide, rāʾ accentue ou élargit l’action, souvent en lui conférant un aspect plus expansif ou intense. En fonction de sa place dans le mot, rāʾ peut jouer le rôle d’un pivot autour duquel l’action est orientée, ajoutant une notion de perspective ou de distance.

Ces lettres structurantes, par leur redondance et leur influence en tant que vecteurs de nuances, sculptent et concentrent les idées dans la langue. Leur répétition et leurs rôles fixent des points de repère sémantiques, modulant le sens général du mot au fil des lettres, et agissant comme des modulateurs de signification qui permettent de varier les nuances sans perdre l’essence de la racine


Ce modèle montre bien que, dans l’arabe, l’ordre des lettres et leur répétition ajoutent une profondeur unique à la structure lexicale, invitant à une approche holistique de la morphologie.

 

La lettre ل (lām) joue un rôle particulièrement structurant et directionnel dans de nombreuses racines arabes, souvent associée à l’idée d’autorité, de guidage, ou de lien. Elle apporte un sens de direction ou d’intentionnalité, orientant la racine vers un but ou un mouvement précis. Observons ce rôle dans plusieurs racines pour saisir comment ل influe sur le sens :

1.         لَقِيَ (l-q-y) : Ici, ل donne l’idée d’une direction ou d’une rencontre. La racine signifie “rencontrer” ou “atteindre”. ل oriente vers un objectif ou un point d’arrivée, soulignant le mouvement vers l’interaction.

2.     لَبَسَ (l-b-s) : Dans cette racine, qui signifie “s’habiller” ou “couvrir”, ل représente l’action de “poser sur” ou “recouvrir”. Elle crée un lien entre l’individu et l’objet qu’il porte, symbolisant l’acte de lier ou d’unir les éléments.

3. سَلَكَ (s-l-k) : Ce mot signifie “suivre un chemin”. ل incarne ici l’idée de parcours, de mouvement dirigé, renforçant l’idée de suivre une voie ou de se diriger vers un but précis.

4.         عَلِمَ (n’a -l-m) : Signifiant “savoir”, cette racine utilise ل pour représenter une transmission ou un lien entre l’individu et la connaissance. ل devient le vecteur de connexion entre la personne et la vérité, ce qui suggère un acte d’accès ou d’atteinte.

5.         نَزَلَ (n-z-l) : Dans cette racine, qui signifie “descendre” ou “se poser”, ل suggère un point d’aboutissement ou de repos final. Il fixe l’idée de “se stabiliser”, indiquant que le mouvement se termine en un lieu précis.

 

Rôles de ل dans les Racines


•           Direction et Intentionnalité : ل guide souvent l’idée principale de la racine, donnant une orientation ou un but. Elle agit comme un vecteur de mouvement ou de flux, que ce soit pour atteindre, couvrir, ou diriger.

•           Lien et Union : Elle relie souvent l’individu à un concept ou à un objet, créant un rapport ou un lien. ل transforme la racine en une notion d’interconnexion, soit entre des idées, des lieux, ou des entités.

•           Fixation ou Ancrage : Elle peut également servir à stabiliser ou ancrer l’action, comme un point final d’un mouvement, signalant ainsi l’atteinte d’une destination ou d’un objectif.

En somme, ل est une lettre de connexion et de direction. Elle semble marquer un axe ou un parcours, orientant les autres lettres de la racine pour donner un sens de mouvement vers quelque chose, ou de rattachement.

 

Dans عَلِمَ (‘à-l-m), les lettres semblent apporter une combinaison qui va bien au-delà d’un simple savoir statique ; elles évoquent un parcours dynamique vers une acquisition de la connaissance, où chaque lettre enrichit la signification en apportant des dimensions précises :

1.         ع (ʿayn) : comme tu le dis, cette lettre porte une idée de source ou d’observation. Étymologiquement, elle peut renvoyer à l’œil ou à une source d’eau — ce qui, dans un cadre conceptuel, peut signifier un point d’origine ou une perception directe, un contact avec le savoir brut.

2.         ل (lām) : prend ici un rôle d’autorité ou de guidage. Lām oriente la racine vers une structure plus définie, canalisant l’idée initiale de l’observation vers un système organisé. Cette lettre joue un rôle focalisateur qui transforme la perception en un savoir cadré, peut-être même régulé.

3.         م (mīm) : renforce l’idée de la nécessité ou de la chose recherchée. Mīm clôt la racine en quelque sorte, la rendant tangible et concrète ; il symbolise ici l’acquisition concrète de l’information. Comme s’il s’agissait de recueillir la connaissance dans un récipient, d’en faire un objet ou une ressource à disposition.

 

En synthèse

 

Dans cette analyse, ´a-l-m est alors bien plus qu’une simple combinaison de lettres pour signifier “savoir” : elle représente un processus complet. On part de la perception brute (ع), qui est ensuite structurée (ل), et enfin, cette connaissance se matérialise comme un savoir que l’on peut transmettre ou posséder (م).

 

Cela pourrait aussi expliquer pourquoi, dans le contexte de la langue, cette racine renvoie aussi bien à connaître qu’à informer — le savoir n’est pas statique, mais quelque chose qui se cherche, se trouve, se fixe et se partage.

 


 

IV. Conclusions transitoires

 

Les voyelles et les lettres modulantes ajoutent une dimension multidirectionnelle et nuancée aux racines arabes. Ce sont des éléments essentiels pour définir la texture et l’orientation des mots. Tandis que les voyelles élargissent ou intensifient les idées, les lettres modulantes ajustent, structurent, et guident les racines. Ensemble, elles renforcent ton théorème en offrant un cadre systématique pour comprendre l’évolution des sens et les déclinaisons possibles, tout en conservant une cohérence interne et une structure sémantique riche et profonde.

 

Ce que tu décris illustre bien une hypothèse fondamentale dans ton approche : celle des passerelles sémantiques, permettant d’établir des connexions “phylogénétiques” entre les racines. Ces lettres partagent des similitudes tout en apportant des variations subtiles et des nuances de précision. Cette dualité, où chaque lettre semble avoir un “double” ou une “forme emphatique”, permet d’observer comment certaines idées évoluent pour servir des finalités spécifiques. Voici un approfondissement autour de ce concept :

            1.         س et ص (sin et sad) :

•           س (sin), porteur d’une notion de mouvement, de direction ou de projection, marque une action ouverte ou une intention d’atteindre un but. C’est une force orientée mais relativement large, offrant une trajectoire.

•           ص (sad), son emphatique, resserre cette action autour d’un point précis ou d’une cible stable. Le sad enracine ou stabilise, accentuant la fin visée ou l’objectif atteint avec une intensité plus contenue, comme un focus. Ce phénomène met en évidence une progression : d’un mouvement plus diffus vers une destination stable.

2.         د et ض (dal et dad) :

•           د (dal) représente l’idée d’un passage, un seuil ou même une ouverture vers une nouvelle réalité ou un état. Il marque un moment de transition qui oriente vers une destination.

•           ض (dad), en contraste emphatique, concentre ce passage, ajoutant une notion de contrôle ou d’engagement vers une fin précise. Il renforce la racine en focalisant sur la précision de la destination, évoquant un aboutissement précis et structuré.

3.         ل et ر (lam et raʾ) :

•           ل (lam), avec son rôle de contrôle stable, permet de canaliser l’idée dans une direction maîtrisée, suggérant une autorité ou une limitation mesurée de l’action. Il est comme un guide fixe, une force de stabilité.

•           ر (raʾ) introduit une forme de maîtrise plus dynamique et plus flexible. Au lieu d’être un contrôle rigide, le raʾ projette une idée d’ordre organisé et en mouvement. Il maîtrise mais avec plus de fluidité, permettant une action organisée mais adaptable.


 

V. Remarque au sujet des passerelles sémantiques

 

Ces lettres fonctionnent ainsi en tant que facilitateurs de nuances sémantiques. Chaque paire (sin/sad, dal/dad, lam/raʾ) témoigne d’une logique d’évolution qui pourrait aider à tracer une histoire des racines, un peu comme une analyse phylosémiotique des concepts. Ce système de passerelles pourrait révéler comment des idées similaires se diversifient pour répondre à des besoins précis et offrir des degrés de détail, de stabilité, ou de direction différents. Les redondances apparentes deviennent ainsi des outils de spécialisation, chaque lettre offrant une coloration unique dans la structure du sens des racines.

 

Dans le système que nous développons, ces lettres semblent se structurer autour de nuances de passage ou de transition, mais avec des spécificités distinctes pour chaque lettre :

1.         ق (Qāf) - Passage étroit et profond : Il évoque souvent l’idée de passer par un chemin resserré ou un accès difficile, comme un seuil qu’il faut traverser avec effort ou vigilance. Le caractère étroit impose une certaine rigueur, une limite ou condition à respecter pour atteindre l’autre côté.

2.         ض (Ḍād) - Destination finale ou clôture : Contrairement au د (Dāl), qui est plus un simple accès ou une porte, ض impose l’idée d’un point d’arrêt final ou d’une limite aboutie. Il fixe le mouvement vers un objectif défini, fermant la progression.

3.         ف (Fāʾ) - Passage contrôlé ou direction filtrée : ف semble en effet se lier au contrôle du mouvement ou du passage, apportant une supervision et une sélection dans le processus. Il crée un filtre ou une validation, offrant un contrôle du flux qui passe, souvent pour des concepts d’échange ou de transfert.

Ces lettres, quand elles se retrouvent ensemble dans des racines, tissent un champ sémantique autour de la progression, de l’orientation, et du degré de restriction ou de contrôle du passage, comme si elles mettaient en scène un chemin avec des points d’accès, des filtres, et des destinations.



D. Conclusions


Depuis le langage archaïque des chassées cueilleurs, visant sans doute à organiser les déplacements et la chasse, le besoin de communiquer est devenu impératif. Et avec la sédentarisation et l’invention de l’élevage et de l’agriculture, l’écriture semble avoir évolué depuis des fresques rupestres, pour l’élaboration d’une forme syllabaire, chaque syllabe étant semble-t-il figuré par un pictogramme y renvoyant. Cette façon de pérenniser la communication a dû permettre d’étoffer le vocabulaire à un besoin croissant en terme de précision. La transmission de ce mode de communication rigoureuse a permis le développement des civilisations mésopotamiennes. Les simplifications et standardisations étant devenus possibles, ces langues se sont cristallisés suivant une géométrie particulièrement fertile, qui semble-t-il, malgré des siècles de transformations sur l’écriture a réussi à garder l’esprit des lettres, au-delà de la forme, malgré la dérive sémantique et l’instauration par l’usage d’une mystérieuse polysémie que les linguistes analysent en lexicologie. Notre théorème permet de redescendre au cœur de la lettre et à reconstruire la phylosemiotique oubliée de ces langues, ouvrant des perspectives innovantes en matière de linguistique fonctionnelle. Ainsi, en redescendant au cœur des lettres, notre théorème permet non seulement de résoudre l’énigme de la polysémie, mais aussi de renouer avec la fonction sémiotique originelle des symboles dans un contexte civilisationnel. Cette approche ouvre la voie à une compréhension plus fine et plus fonctionnelle des langues sémitiques et de leurs usages, offrant de nouvelles perspectives pour l’étude des textes anciens et leur interprétation.


 

 

 

____________

 

[1] Cette méthode semble moins bien fonctionner avec les langues ayant évolué vers une écriture voyellisée relativement tôt, avec le grec alphabétique vers le VIIeS BC, sans doute du fait de la possibilité de stabiliser l’écriture de façon indépendante de l’origine sémiopictographique des mots originaux durant de longues périodes de règlementations typologiques et grammaticales. Même si l’on peut identifier des correspondances qui ont semble-t-il réussi à résister à la dérive sémantiques favorisée par des siècles sans écriture de voyelles. Le Coran, et les travaux sur celui-ci pour garder le sens primitif a permis de rester plus près de l’usage syllabaire originel.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Note10

Note9

Note18